vendredi, mars 12, 2010
Maître Pierre Kaldor
Cher(e)s Charlotte, François, Lucie, Cyril et toute la famille,
Mesdames, Messieurs,
Cher(e)s Ami(e)s,
L’annonce du décès de notre ami Pierre Kaldor a causé une très grande émotion chez tous ses ami(e)s du Secours populaire en France, mais aussi à travers le monde, que ce soit en Allemagne, en Afrique… partout.
C’est que pour tous les hommes épris de justice, d’humanité, de fraternité active, le nom de Pierre Kaldor résonne comme synonyme de lutte, de refus des injustices, la voix de celle d’un artisan d’une autre conception de la vie de nos sociétés, moins cruelles, moins injustes.
Comme le dit l’une des devises du Secours populaire que reprenait à son compte Pierre « pour que demain soit plus humain ».
Bien sûr nous connaissions son âge, mais nous n’évoquions jamais cette hypothèse. Il y a encore quelques semaines il était présent – comme toujours – à notre Conseil d’administration où il intervenait avec une conviction juvénile et marquée toujours de son ironie.
Avant qu’il ne nous quitte, nous avons eu heureusement plusieurs occasions pour lui exprimer de vive voix notre admiration pour son courage, dans toutes les épreuves encourues et suivre le fil conducteur de sa vie entièrement consacrée aux autres.
Témoignage, ce que solennellement dans les grands salons de l’Hôtel de Ville de Paris, nous adressant à lui, devant tous les nombreux invités avant de lui remettre la croix de la Légion d’honneur.
« Mes premiers mots se résument en un seul oui « enfin » Pierre Kaldor va être dans un instant élevé au grade de Chevalier de la Légion d’honneur.
Certes, notre ami avait déjà eu de nombreuses marques de reconnaissance, la Croix de Guerre avec citation, la Croix du Combattant Volontaire de la Résistance, le Prix des Droits de l’Homme en Allemagne, Membre du Comité d’honneur d’Ernst Thalmann, héros antifasciste allemand, d’autres encore… mais il lui manquait la plus importante décoration française. Ce fut chose faite grâce à notre pugnacité.
Suivre à la trace les pas de Pierre n’est pas aisé, car ses activités relèvent plus d’un parcours du combattant aux multiples étapes.
Nous avons tenté de bien nouer le fil conducteur de sa vie qui peut se résumer en une formule « toujours au service des autres ».
Oui, parcours d’un combattant pour la justice, l’humanité, avec la solidarité au cœur.
Pierre typographe / employé d’assurances/ avocat/ traducteur/ critique musical/ documentaliste/ et toujours en même temps, il y a la section syndicale, la défense des locataires, des opprimés, la solidarité, et son engagement politique au Parti Communiste, engagement qu’il n’a jamais renié, ce qui lui a valu bien des années sombres.
Celles-ci commencent le 30 octobre 1939 quand, arrêté au 5 Rue des Martyrs, il se retrouve en prison pour de longues années, après maints transferts y compris sous l’occupation ou sans coup férir, les emprisonnés politiques français furent livrés au bon vouloir des nazis.
Depuis les années 30, il a défendu les droits politiques de ceux qui, vis-à-vis des autorités, se réclamaient de l’amitié entre les peuples et de l’internationalisme qui assure la dignité et l’honneur des petites gens…
Plus tard, en prison, il partagera les cellules d’hommes admirables, de héros dont malheureusement la jeune génération - peu informée - ignore le sacrifice.
Mais cette idée de retrouver la liberté, il y travaillait sans cesse.
Il faisait des plans et réussit une spectaculaire évasion de la prison de Châlons sur Marne, début novembre 1943. La corde qui lui servit si bien est maintenant exposée en bonne place au Musée national de la Résistance à Champigny et l’amie qui lançait la corde c’était Charlotte avec qui il a vécu toute sa vie.
Pendant la bataille pour la libération, on le retrouve avec d’autres confrères occupant le Ministère et le Palais de Justice de Paris.
Paris et la France libérés, Il poursuit son œuvre si utile et consacres l’essentiel de son temps à réorganiser sur de nouvelles bases le Secours Populaire Français.
Le 15 novembre 1945, il est élu Secrétaire général de l’association et depuis, quelles que soient ses nombreuses activités, il est toujours réélu membre de la Direction nationale.
Dans cette période, qu’il reprenne une activité professionnelle ou qu’il se réinscrive au Barreau, sa vie reste tracée : la solidarité, la justice.
Au métro Charonne en 1962 alors qu’il manifestait pacifiquement avec des dizaines de milliers de personnes contre l’OAS et ses crimes, il a été grièvement blessé par les policiers aux ordres du sinistre préfet Papon et à ses côtés sept manifestants trouvèrent la mort.
Peu de tribunaux à travers la France où il n’aie plaidé pour défendre une victime des injustices, et aussi tout particulièrement pour l’Algérie où il construit en pleine guerre un véritable pont aérien avec notamment Maître Jules Borker et des dizaines de confrères au service des Algériens pour leurs droits à la défense.
Plaidoiries pour défendre l’expulsé, le syndicaliste, la victime d’atteinte aux Droits de l’Homme.
Sa sensibilité est profonde pour tous les peuples d’Afrique noire ou partout il est respecté, aimé.
Depuis 1945, le Secours Populaire Français s’est considérablement transformé. C’est parce qu’il y a eu l’histoire de la solidarité populaire dans les années 25 et durant l’occupation puis le travail de fourmi entrepris en 1945 par les pionniers de la solidarité populaire pouvant s’exprimer au grand jour , et à nouveau par toutes les bonnes volontés qui s’y sont jointes depuis, que l’association a droit aujourd’hui aux honneurs, à la notoriété, mais surtout à la reconnaissance du public.
Le Secours Populaire Français a considérablement évolué. Son orientation, ses règles de conduite, d’organisation, son langage, ses activités renouvelées, élargies et n’ont que peu de rapport avec ce qu’ils étaient il y a plus de 60 ans.
J’ai évoqué, il y a un instant, l’engagement politique de Pierre. D’autres amis du Secours Populaire ont bien d’autres engagements, des croyances différentes, « celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas » comme l’a écrit Aragon, et c’est cela, la force du Secours Populaire Français. Pierre Kaldor l’a bien compris : il a toujours été partie prenante de tous ces changements.
Si le Secours Populaire Français est aujourd’hui agrée d’Education populaire, association d’éducation complémentaire de l’enseignement public, reconnu d’utilité publique, grande cause nationale à plusieurs reprises, s’il se situe dans les toutes premières places des associations humanitaires au niveau de la France, de l’Europe, du monde, s’il a obtenu un statut consultatif auprès de l’ONU, c’est avant tout parce qu’il y a eu –je le redis - les pionniers, dont Pierre en 1945 -.
Pierre, et je glisse dans cet hommage, que nous te rendons, quelques notes personnelles. Tu t’es évadé en novembre 1943, ce même mois où le tout jeune résistant que j’étais se retrouvait en prison et partageait durant une semaine sa vie d’emprisonné avec Manouchian et les héros de « l’affiche rouge ».
Toi tu étais présent clandestinement au cimetière d’Ivry lors de l’arrivée de leurs cercueils tachés du sang des martyrs en février 1944 et plus tard de ton côté tu organisais la solidarité pour leurs familles après leur exécution au Mont Valérien.
Nous étions faits pour nous rencontrer et 10 ans plus tard, avec Francis Jourdain tu m’accueillais au Secours Populaire.
Cher(e)s Ami(e)s, j’ai quelques difficultés à dire « adieu » à Pierre.
Je partage l’idée exprimée si fort par Victor Hugo « que les morts sont des vivants mélés à nos combats ».
Avec l’Institut de formation du Secours populaire français, nous allons faire connaître et partager l’exemple de Pierre, aux jeunes bénévoles qui nous rejoignent de plus en plus nombreux.
Le samedi 27 de ce mois, les membres du Comité national du Secours populaire français inaugureront Rue Froissart, un grand espace baptisé à son nom.
Oui vraiment Victor Hugo avait raison, tu restes des nôtres.
Nous reprenons ton cri que tu nous a lancés avec enthousiasme à l’Hôtel de Ville de Paris le 24 octobre 2007.
« Ohé mes concitoyens du monde, pétrissons ensemble, pour demain le pain quotidien de nos espérances ».
Julien Lauprêtre
Nouveau cimetière de Neuilly
Obsèques de Pierre Kaldor
12 mars 2010
C'était le jeudi, octobre 25, 2007
Maître Pierre Kaldor affiche avec humour ses 95 printemps lors de la cérémonie où on lui a remis la légion d'honneur et dit en substance, lui qui n'a été au service que des autres, tous les opprimés de la terre, Je ne suis fait que de votre gentillesse, des marques de l'amitié que vous me prodiguez,trop!! l'homme a bien sûr un héritage génétique, mais ce sont les évènements, les rencontres qui le construisent, je ne serais rien sans vous tous! C'est vraiment jubilatoire de voir son sourire si bon et d'entendre une voix si ferme, l'intelligence faite homme. Il n'a pas omis de présenter Charlotte qui lui a mis la corde au cou après l'avoir fait évader de prison à l'aide d'une corde...
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