En perdant ma jeunesse j'ai retrouvé mon enfance! Cette phrase m'est rapportée par Jacques Baratier lors du vernissage chez Pierre de Chevilly. Il faut que je lui redemande de qui est cette phrase. Je me rends compte, dans ces soirées parisiennes, qu'il y a très peu de gens qui font passer la sauce: Baratier est l'un d'entre eux, mais le champion, celui qui trouve des gags à jet continu, avec qui l'on peut rire tant et plus tellement il a des fulgurances de génie, c'est Roland Topor. Il faut dire que je ne le rencontre pas tous les soirs. Il vient d'arriver un truc très étrange: Je lui parle de son père dont je viens d'apprendre le décès par une tierce personne. Oui! Les gens l'aimaient beaucoup! Je vais essayer de faire une expo avec ses peintures! Je ne sais si c'est l'émotion, mais dès ce moment, et pour la première fois depuis que je le connais me semble-t-il, Roland a prit un accent yddish Europe Centrale pour s'adresser à moi. Cela ne l'a pas quitté de la soirée. Jamais je n'avais su qu'il avait cet accent. On aurait dit qu'à son corps défendant il était investi par le parler de son père. Nous étions nombreux au bistrot, puis cinq au restaurant, il m'y avait invitée. Ses amis et sa compagne lui faisaient vis à vis, nous deux côte à côte, et chaque fois qu'il s'adressait à moi, sa bouche se déformait par le phrasé un peu douloureux spécifique des juifs d'Europe Centrale. Schwarzenberg, Elie Wiesel ont ce type de rictus assez pénible à regarder: La douleur du monde qu'ils portent sur leur visage. Roland qui rit comme un fou, avait aussi cette distorsion pour dire des choses graves sans y mettre d'importance. Vraiment, c'était très étrange de l'écouter cet amour qui lui sortait de la bouche quand il racontait le disparu. Est-ce le petit enfant qui ressortait par la juiverie d'un dialogue entre lui et le père qui venait de le quitter? (octobre 92)
vendredi, mai 18, 2007
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