samedi, octobre 22, 2011

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05-10-11 à 11:34 par Leménager Grégoire Réagir

Quinze ans après sa mort, l'auteur des «Mémoires d'un vieux con» reste un maître de l'humour noir. La preuve avec un inédit et deux chefs-d'oeuvre.

"Le locataire chimérique", par Roland Topor. Roland TOPOR (1938-1997) était à la fois dessinateur, peintre, écrivain, poète, chansonnier, cinéaste... Collaborateur notamment du journal «Hara-Kiri», ce maître de l'humour noir est l'auteur de nombreux romans, nouvelles et pièces de théâtre comme «Portrait en pied de Suzanne», «Café Panique» ou «Batailles»(coécrit avec Jean-Michel Ribes). (c)ADAGP, Paris 2011.
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Quelle allure aurait le XXe siècle sans Roland Topor? Une chose est sûre: il en aurait beaucoup moins. Il n'y a qu'à lire ses «Mémoires d'un vieux con» (1975), dont le vieux con de héros, ce zéro, raconte avoir couché avec Sarah Bernhardt, bu des coups avec Lénine, soufflé à Orwell l'idée d'un roman qui se passerait en 1984, papoté avec Lévi-Strauss et inventé le cubisme sous le nez de Picasso - qui lui a tout piqué.

Sa «part de responsabilité dans le suicide de Marilyn Monroe» resterait encore à élucider, mais il faut bien respecter un peu la modestie d'un si grand personnage: «Un homme peut incarner l'histoire. J'ai été cet homme-là pour l'histoire de l'art. L'aveu me coûte, car il peut passer pour celui d'un cuistre ou d'un vaniteux. Ce n'est pas le cas.»

A côté Malraux, qui naturellement l'admirait beaucoup, fait figure de moine bénédictin; et BHL lui-même semble jouer petit bras.

La réédition d'un aussi délirant chef-d'oeuvre de name dropping égotiste suffirait à notre bonheur, d'autant que le camarade Delfeil de Ton en signe la préface. Sauf que, pour le quinzième anniversaire de la mort de Topor, un bonheur peut en cacher deux autres. Voilà repris en poche son «Locataire chimérique» (1964) qu'avait adapté Polanski en 1976, où il est question d'une espèce particulièrement dangereuse pour l'homme: le voisin.

Ca commence comme chez Marcel Aymé, ça se termine comme chez Kafka; et il est impossible de savoir si ce qu'on lit est hilarant ou terrifiant. C'est donc bien du Topor, qui n'a pas son pareil pour montrer combien l'univers est mal fait.

Il le confirme enfin dans un savoureux recueil d'inédits complètement paranoïaques, où il apparaît qu'on ne se méfie jamais assez de la fourberie des tables, du temps qui passe et, surtout, des vaches noires, puisqu'il est évident qu'elles «portent la poisse.»

François Rollin, qui présente ces nouvelles, résume assez bien le «génie» de leur auteur: «Avec les mots de tout le monde, sans effet de style, il fabrique un univers magique et souriant qui nous aide à comprendre le monde et à le vivre mieux»

La preuve: plutôt que de «s'obstiner à vouloir des sous», Topor préconise de se ruer sur «les langoustes, les truffes, la gastronomie, les grands vins, la Terre qui est si belle et les femmes si jolies.» Tout simplement.
Grégoire Leménager

Vaches noires et Mémoires d'un vieux con,
par Roland Topor,
Wombat, 160 p., 15 euros chaque.

Le Locataire chimérique,
par Roland Topor,
Phébus, 208 p., 7,50 euros.

=> A lire sur BibliObs: «L'argent, qu'est-ce?», texte inédit extrait des «Vaches noires»

Source: "Le Nouvel Observateur" du 29 septembre 2011http://bibliobs.nouvelobs.com/romans/20110928.OBS1329/pur-topor.html

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