Quand je croise dans les rues de Trouville des personnes qui fréquentent le Café Philo de monsieur Carle, le samedi, je sens encore le relent de mauvaise vie dont on m'affuble depuis dix ans. Une exposition avait été faite à la Mairie en 2003 sur mes prestations cinématographiques et quelques livres autobiographiques. Les photos de nus d'Agnès Varda dans son "Cléo de 5 à 7" avaient choqué les non-cinéphiles qui avaient cru que je tournais dans des pornos.
Depuis, c'est du bout des lèvres que l'on répond à mon bonjour. Des gens par ailleurs cultivés, pas une fois ils ne daignent faire la conversation au bistrot quand la malchance nous trouve côte à côte. Je dois attendre le samedi pour discuter au milieu de ces ténors, ils sont dans le livresque, comme beaucoup d'universitaires, et je suis dans le vécu, donc crue.
Me reste des vieilles copines de cinquante ans, nous avions fait nos armes ensembles de femmes aimantes, aimées, puis éplorées, quand disparaissaient les hommes de nôtre vie, de quoi parler, toutes ces réminiscences ne sont pas du goût des nouveaux jules, l'éternel problème identitaire. J'ai raconté à Benoit Noël que je ne lisais pas les livres de Sternberg de son vivant afin de ne pas y puiser une jalousie rétrospective.
La barque du temps file vers l'inespoir, quelques rencontres furtives entre femmes sans compagnonnage, je n'aime pas cette compagnie là, trop de spleen que je ne ressens pas à Paris où l'anonymat fait loi. On y est comme dans une chambre nue, sans couleurs, la retraite délite le corps sans défense, on ne rend compte de rien.
Je connais cela par cœur, autrefois je marchais quatre heures avec des poids aux chevilles, un programme de santé, je n'ai plus droit au sable qui pourrait distordre la prothèse, je profite du bord de mer sur les planches fermes, à cette marche on croise de jeunes coquettes en talons aiguilles, et ceux qui s'économisent du fait de l'âge. Le Sunfish est remisé à jamais au club de voile, mon vélo je l'ai donné, c'est Lewino qui en quittant la station me l'avait laissé, le vandalisme gratuit ne m'avait pas permis d'en profiter. Mon grand luxe c'est d'avoir deux habitats non confortables, mais je peux toujours lever le pied à mon gré sans souci d'horaire, que demande le peuple ?
jeudi, avril 09, 2015
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