samedi, avril 25, 2009
(3)*Je m'y prends longtemps à l'avance pour me maquiller. Je ne veux pas jouer les malades en offrant un visage hâve. Puisque j'accepte de déjeuner dehors, au risque de complications, je peux bien me ravaler la façade. Mes gestes sont très lents et maladroits, comme s'il y avait des instants de déshabitude. Mes racines ont repoussé violemment foncées. Sur la longueur des cheveux apparaissent aussi des raies noires, telles que sur un manteau de zèbre. J'arrive au bout de cette tignasse, il ne manque plus qu'un élastique pour la rassembler en catogan, mais, Renaud paraît. Je ne pouvais supposer son débarquement à Bruxelles avant la nuit. Il ne me vois pas dans la contre-allée, je suis derrière sa voiture. J'appelle "Machin". Le nom plutôt que le prénom fait sec. Ses voyages nous retrouvent toujours étrangers, bien que j'occupe son studio. "Vous sortiez? -Oui!- Où?- Dehors!"Renaud s'abstient de demander avec qui, et je me dis que c'est une bonne chose d'être sortie bien que malade, sinon, par son retour abrupt, il aurait pu me soupçonner de recevoir mes amants chez lui.
Renaud revient quelques minutes plus tard vêtu d'un veston queue de pie et coiffé d'un chapeau haut-de-forme. Il y a maintenant divers attelages, et des chiens parqués dans des Buick commerciales.
Peut-être ce monde va-t-il à une chasse à courre, habillé comme les turfiste de Longchamp. De sa main nue, Renaud tient à bras le corps un très vilain serpent. De son autre main, gantée celle-ci, il retient la tête du reptile afin que celui-ci ne se retourne pas vers son bras pour le mordre. Mais Renaud excite la bête vers mon visage. Je pousse des hurlements affreux. Le serpent est de tous les animaux celui dont j'ai le plus peur. J'ai beau me raisonner, me dire qu'il ne peut être venimeux, je trouve que le jeu que Renaud fait durer d'une cruauté insoutenable. Renaud finit par partir sous mes injures, et je vois les attelages des chevaux fuir en trombe, justement parce qu'ils ont été piqués intentionnellement par ce même serpent.
J'en veux beaucoup à Renaud de m'avoir fait courir le risque d'être attaquée, sinon empoisonnée. Je m'apprête à fuir, mais où? Cependant je dois attendre Nathan dans la rue pour ne pas le manquer. Je remonte au studio afin d'y rassembler quelques affaires, et là, surprise, il y a trois chats. Je caresse les deux petits. Le gros matou patibulaire, il me semble le connaître, mais d'où? Peut-être était-il ici tous ces jours, et dans ma distraction, je l'ai ignoré. Il n'a pas l'air affamé, l'écuelle est garnie.
Le gros chat s'approche de moi. Imaginant qu'il est jaloux, je tente une caresse sans conviction, car j'en ai peur. Il doit sentir cela, il montre les dents tel un fauve prêt à se jeter sur sa proie. Je suspends mon geste et je le regarde fixement, nous restons rivés l'un à l'autre par le regard.
Puis le gros matou retourne dans son coin. Je ne sais s'il est enfin maté, ou si c'est pour réfléchir à une nouvelle tactique d'assaut.
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