Ne touche pas à ta gourde avant d'avoir gravi la moitié de la montagne. Ne touche pas à ton vin de figue avant d'avoir atteint le sommet, et garde ton pain pour le retour. Alors la nuit te sera douce et le réveil te sera clément.
Si tu as plusieurs épouses, agis loyalement envers toutes. Ne sois ni indifférent ni trop indulgent pour leurs défauts. Ne révèle pas à l'une l'amour que tu portes à l'autre. Ne parle jamais à l'une des défauts de l'autre et à l'autre de la beauté de ses rivales.
Lorsque le soleil partagera le jour et la nuit à parts égales, regarde les nuages qui passent dans le ciel. Ils te diront s'il faut semer ou planter, s'il faut prendre ta femme ou l'ignorer, s'il est temps d'aller porter ta requête au seigneur ou s'il vaut mieux te taire.
Quand le poil viendra au menton de ton fils, prends-le avec toi pendant trois jours et trois nuits. Vous vous baignerez dans l'eau glacée du torrent, vous mangerez les baies sauvages que t'a enseignées ton père, vous dormirez sous les roches qui protègent des bêtes fauves et des démons. Au troisième jour, tu l'emmèneras dans le village lointain où les femmes publiques lui enseigneront les caresses de l'amour. Alors, il sera ton égal et tu le respecteras.
Si tu reçois une bourse qui te vient d'un parent mort, n'y touche pas pendant neuf périodes de lune, puis fais-en quatre parts : une pour ta femme, une pour le fils de ta soeur, une pour tes péchés d'hier et une pour ta soif de demain.
N'oublie jamais : la femme du seigneur n'est pas une femme, sa demeure n'est pas ta demeure, ses fruits ne sont pas tes fruits, son dieu n'est pas ton dieu. Mais il te reste le regard de sa femme, l'ombre de sa demeure, la fraîcheur de ses arbres, et la pluie qui appartient à tous.
Lorsque tu passes devant le jardin de ton voisin porte tes yeux vers la terre, rassemble tes mains dans ton dos, retiens ton souffle Ses pierres ne sont pas plus blanches, ses figues ne sont pas plus douces, ses fleurs ne sont pas plus enivrantes que les tiennes.
Remercie le Seigneur pour les enfants qu'il t'a donnés et qui verseront du miel sur ton pain quand les forces te manqueront. Remercie le Seigneur pour les enfants qu'il ne t'a pas donnés et qui auraient versé du vinaigre sur tes larmes. Remercie le Seigneur pour la pluie et la sécheresse, pour les rires et pour les pleurs. Remercie-le et retrousse tes manches.
La vie, c'est le ver qui luit entre deux pierres et qu'on ne peut saisir; c'est le souffle de ton cheval qui rêve debout ; c'est la feuille du tilleul sauvage qui n'en finit pas de tomber ; c'est le vent du sud qui emporte ta voix; c'est l'ombre de l'aigle silencieux qui balafre le sable; c'est le regard mouillé de ta femme quand tu t'étends auprès d'elle.
Ne demande pas à la mer pourquoi elle est salée ; ne demande pas aux arbres pourquoi ils portent des épines ; ne demande pas au vent pourquoi il est invisible; ne demande pas au serpent pourquoi il te pique ; mais demande à ta mère pourquoi elle aime ton frère et non pas toi.
Quand tu sentiras l'ombre de la nuit venir à ta rencontre, rends-toi dans un lieu isolé, aussi loin que tes forces pourront te porter, accroupis-toi et écoute les herbes, écoute les buissons, écoute les grands arbres. Tu comprendras alors ce qu'ils t'ont toujours dit mais que tu n'as jamais entendu, et le temps sera venu de rejoindre ton Seigneur.
Si tu crois que la montagne est haute parce que tu te terres dans la vallée, si tu crois que ton maître est impitoyable parce que tu ne l'as jamais entendu souffler après l'amour, si tu crois que la lionne est perfide parce que tu ne l'as jamais vue allaiter ses enfants, quitte les tiens pendant une lunée pleine et va visiter le monde.
Ton Seigneur est comme les nuages, tantôt plus blanc que neige, tantôt plus noir que le vol du corbeau ; tantôt immobile comme l'eau de la mare, tantôt plus rapide qu'un troupeau de gazelles ; tantôt silencieux comme la montagne à la tombée du jour, tantôt tourmenté comme la tempête qui vient du sud. Ton Seigneur est comme les nuages, il te voit mais ne te regarde pas.
Tu partageras le thé avec celui qui a soif, tu prêteras le bras de tes enfants au vieillard esseulé, tu réciteras des prières pour celui qui a perdu sa tête, tu laisseras ta femme soigner le voisin blessé... mais jamais tu ne permettras à l'étranger de caresser ton cheval.
Tous les ans, quand les jours se feront plus longs, tu iras seul parler à la terre qui t'a nourri. Tu lui demanderas pardon pour l'avoir piétinée et éventrée. Tu jetteras une poignée de sel sur ses plaies et tu t'allongeras, ta face contre la sienne, jusqu'à ce que la nuit vienne te délivrer. Alors,elle t'accordera ses bienfaits pour une nouvelle année.
Quand le doute te possédera va le dire au sage qui habite sous la montagne. Écoute ce qu'il te dira et remercie-le avec le sel et le pain. Puis va le dire au prophète qui marche de village en village. Écoute ce qu'il te dira et remercie-le avec le sel et le pain. Alors va dormir à l'ombre de ton palmier. Ton seigneur visitera ton sommeil et te dira ce que tu dois faire.
Ton bonheur est sous l'herbe qui pointe entre deux pierres. Il est entre les poils de ta chèvre. Il est dans les plis du ventre de ta femme. Il est sous les sabots du cheval blessé. Il est dans la caresse du vent. Ton bonheur est partout, baisse-toi et ramasse-le.Tu dresseras un mur entre le soleil et ta maison, tu creuseras une citerne pour recueillir l'eau de ta cour, tu planteras une barrière pour protéger ton troupeau, puis tu demanderas au charpentier de te construire deux grands coffres de bois. Alors, tu pourras aller chercher une femme dans un village
lointain.
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