lundi, novembre 15, 2010


91)*Je montre Le grand-père à une lectrice d’une maison d’édition que vous connaissez bien. Vous en êtes fâché.
« Je vous ai pourtant dit que cela n’a aucun intérêt. D’abord c’est très mal écrit, et puis les souvenirs n’intéressent personne !
- Laissez-moi tout de même en lire un bout» dit la lectrice. Après quelques lignes, elle tombe sur la phrase: "J’ai trente-cinq ans". C’est bizarre, je suis persuadée d’avoir écrit ça il y a au moins dix ans, et maintenant, de toute façon, j’en ai trente-sept. Je me tais, pensant que c’est une phrase de science-fiction. Après avoir tiqué sur le chiffre, elle ajoute:
« De toute façon pour moi, vous paraissez en avoir quarante. »
Alors je vous injurie, disant que vous n’aimez rien hormis vous, que vous êtes l’être le plus narcissique de la terre, que vous ne songez qu’à enfoncer dans l’anonymat les femmes que vous désirez afin de les conserver pour l’usage de votre seul nombril, etc.
Il ne me reste qu’à m’exiler dans la périphérie de la ville. J’y ai une chambre pour cent francs par mois, et la mer pas loin. Ce sera toujours ça de pris, d’agréable à l'avenir, les bains de mer.
J’ai un mirage d’eau car le sable est creusé en fines vaguelettes. C’est seulement le vent qui rase la plage sur le côté gauche et imprime ce tracé. La mer est à marée basse, beaucoup plus loin. Et sur le côté droit, le long de la grève, il existe un cabanon qui appartient au gouvernement. Ma copine Nelly avec qui je dansais au Mogador, que je n’ai jamais revue jusqu’alors, y habite gratis. « C’est (me raconte-t-elle) le pays qui prend en charge des jeunes pendant six semaines, avant qu'ils trouvent un habitat qu’ils doivent payer comme tout le monde. Tu n’as qu’à y venir, comme ça tu économises un mois de loyer. On est sous des tentes, c’est rigolo ! »
Oui, mais les sanitaires, me dis-je. Pour l’heure il faut fuir. Nous sommes poursuivies par deux personnages de l’armée allemande. Nous dévalons les remblais et attirons les soldats pour leur casser la gueule. L’un est un mulâtre, je le tire violemment par les pieds. Comme il se rétablit, je fais celle qui lui a tendu les bras pour coucher avec lui sur la pelouse. Il me prend tout en tétant mon sein gauche. Je ne ressens rien, je constate son plaisir et m’aperçois qu’il lèche, en fait de téton, son bout de pénis violacé, alors que je sais avoir le sien dans mon vagin. Il n’y est pas très ferme mais cela remue agréablement.
PS: J’ai oublié que dans ma chambre j’essayais de griffonner une autre version de la carte que je vous ai envoyée: « Sans vous, je suis à moitié morte. Avec vous, je ne suis qu’à moitié vivante. » Cette gribouille au feutre rouge sur une lettre en vert que Renaud a reçue. Je vais franchement en profiter pour déchiffrer la missive de sa petite amie. De plus, il ne doit pas comprendre ce que je tente de vous exprimer. Renonçant à tout, je froisse le papier en boule et le jette dans une machine à laver. Il y a des pulls rouges, brassés par l’eau chaude et savonneuse. L’encre verte risque d’y faire des griffes de couleur.

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