
Je refuse de répondre à qui que ce soit, quelles que soient les questions. Ma nouvelle attitude "muette" m’abstrait si bien des gens, même de ceux que j’aime, qu’il m’est naturel de les regarder s’approcher sans les voir. Il n’y a aucun mépris de ma part, simplement le désir de ne plus souffrir parce que je leur manque, ni parce qu’ils me manquent.
Il y a un manège en bois au milieu de la pièce. Une sorte de table ronde tournante, environnée d’un petit fossé rempli d’eau. Une petite fille se jette à plat ventre sur la table. Dans son élan, elle a provoqué la rotation du meuble. Son corps aspiré par la force centrifuge glisse vers le vide. La petite fille n’est plus retenue que par ses mains agrippées au bois lisse. Je crie « Martine, tiens bon ! » et dans cette danse folle j’arrive à l’attraper à bras-le-corps. C’est la seule phrase qui me soit échappée pour sauver l’enfant. Aussitôt après je retombe dans mon mutisme.
Un garçon petit, laid, m’enlace d’autorité. Son corps noueux et dur me surprend tellement par ce qu’il contient de violence, que je ne puis m’offusquer de son désir. Sans me poser une seule question, ni exiger un acquiescement, il m’entraîne dans un tango fabuleux, avec des passes à genoux, comme dans une arène. Notre accord est si parfait que tout s’abolit: désir, tristesse, amertume. Je suis simplement heureuse de danser, et je cherche du regard Nathan dans l’assemblée, pour qu’il puisse constater cette évidente plénitude, et en être un peu jaloux. Je ne vois pas mon cavalier, il est en dessous de ma tête, mais je lui souris, tranquille et sûre.
Vous m’apprenez que vous avez effectivement une liaison depuis trois mois avec cette jeune fille dont le nom vient d’être prononcé.
Il me semblait que durant ce temps nous étions heureux. Votre duplicité m’écoeure au point que mes poignets ou mes mains sont ouverts et saignent spontanément. Je songe que sans le vouloir, j’ai la solution. Ne rien faire, me vider en dormant.
Je me couche dans mon duvet de camping. Une lame de rasoir est restée accrochée à la couture du duvet. Je l’y laisserai, ajoutant un peu d’eau à l’intérieur car le tissu est imperméable. En dormant, j'agiterai les pieds qui seront blessés par la lame. L'eau empêchera la coagulation des plaies. Ainsi je glisserai du sommeil dans la mort, insensiblement, sans douleur.
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