mardi, octobre 10, 2006

Rencontre avec Jean-Claude Drouot par Frédéric Vignale

Jean-Claude Drouot est un Orson Welles saisissant de vérité et de justesse, depuis le début de la rentrée 2006, au théâtre Marigny.
Ayant particulièrement aimé la pièce, nous avons souhaité rencontrer son héros ; un homme simple et humble, qui a répondu à nos questions avec une grande générosité et beaucoup de tendresse, directement depuis sa loge.
Jean-Claude Drouot est un grand professionnel exigent et sincère qui place son Art avant tout. Il est le serviteur d’un rôle, pas un acteur à l’ego démesuré qui singerait Welles.

1. Bonsoir Jean-Claude Drouot. J’ai particulièrement apprécié votre interprétation d’Orson Welles et vraiment je pense que vous êtes avec cette pièce, le passage obligé de cette rentrée théâtrale. Comment est arrivée cette pièce dans votre vie ?

C’est une pièce que je n’ai pas sollicité, contrairement à ce que l’on pourrait penser. Elle est venue à moi par hasard, lors d’un diner à Paris avec Jacques Collard qui s’est écrié à un moment donné mais comment n’ai-je pas pensé à vous avant pour ce rôle ! puis-je vous envoyer un texte s’il vous plaît ?

C’était "Votre serviteur Orson Welles", la version était juste beaucoup plus longue qu’aujourd’hui.

Comme Welles, je suis très touché par la thématique de "Don Quichotte". J’admire l’homme de théâtre et le cinéaste depuis longtemps.

Dans les années 50 alors que j’avais à peine douze ou treize ans, j’avais été subjugué par son rôle dans "Le troisième homme". Ce film fut un très gros succès en Europe à sa sortie, Welles avait une côte énorme à cette époque.

2. Comme je le disais dans la chronique que j’ai faite sur votre pièce, vous n’imitez pas Orson Welles, vous êtes habité par le personnage. Est-ce un rôle difficile à tenir ? Avez-vous eu peur de ne pas être à la hauteur ?

Il est vrai que Welles est un personnage très impressionnant, sa stature, son aura mettent les gens à distance. Il a cette faconde, ce charisme inouï. Mais vous savez, même si je ne me comparerai jamais à lui, j’ai connu à ma petite échelle un succès foudroyant avec "Thierry la Fronde" et moi aussi j’ai du faire face aux sollicitations diverses. Cela a été très formateur et j’ai décidé très vite de refuser de céder aux facilités, au contentement... car je n’avais pas fait le choix de ce métier pour cela.

Je ne me prends pas pour Orson Welles, moi je n’ai jamais fait de publicité de ma vie et je n’en ferai jamais, j’y perdrai mon honneur, mais je respecte l’homme et l’artiste.

On est venu me chercher pour jouer Welles, je fais mon métier avec passion, cela me rend très heureux, j’essaye de faire rencontrer ce rôle avec mon idéal poétique et artistique. Voilà tout ce qui m’intéresse.

3. Qu’est-ce qui vous touche chez Welles ? Avez-vous tout fait pour lui ressembler davantage ?

Welles est un être admirable. Le Welles que j’admire le plus est celui de l’aveu de Falstaff, là il est d’une immense stature. Il prend le pouvoir, il tisse sa toile, il vous entraine dans son labyrinthe et mène le jeu. Il est formidable de justesse dans beaucoup de rôle mais c’est dans la Démesure qu’il révèle tout son talent.

Je n’ai rien fait de particulier à mon physique pour ressembler plus à Welles ; ce qui est troublant sur scène c’est le jeu des lumières, la gestuelle, c’est là que le mimétisme se fait avec des trucs de théâtre, rien d’artificiel sur moi, pas de postiche, juste des costumes sur mesure et un très beau travail d’équipe pour faire de moi un Welles vraisemblable.

4. La construction de la pièce "Votre serviteur Orson Welles" est d’une grande qualité. Les trois plans du décor, Serge Le Lay le personnage qui vous donne la réplique, les jeux sur le son, les costumes, les lumières... voilà un travail rondement mené.

J’ai participé activement à la construction de la pièce, je n’ai pas voulu écrire "metteur en scène" mais plutôt réalisateur, c’est un prodigieux travail d’équipe. Je me sens bien dans les costumes, les lumières sont magiques, Serge est un partenaire de très haut niveau, nous formons réellement un vrai couple, un duo théâtral. Vous savez, c’est une pièce inclassable car elle est le rendez-vous de plusieurs genres.

C’est le Théâtre qui regarde le Théâtre, le Cinéma passe après. Welles était avant tout un homme de Théâtre et de Radio et la pièce transcrit bien cela. Les scènes de studio sont si bien rendues dans le jeu que lorsque je vais parler de cette pièce dans un vrai studio, je le trouve moins vrai que celui que nous avons inventé sur scène (rires).

5. Cela ne rend -t- il pas un peu schizophrène de jouer Welles, de lui ressembler autant sur scène ? Comment est-on porté par un tel personnage ? N’y a t’il pas une vraie rencontre DROUOT/WELLES avec ce spectacle ?

Non, jamais je ne deviens Welles, je reste toujours un acteur qui est au service d’un personnage et je ne me perds pas dans la personnalité si forte d’Orson.

Je ne suis pas son sosie parfait mais cela fait illusion semble t-il pendant la durée de la Pièce. Je parle un anglais acceptable, cela m’a aidé pour le texte même si je me permets de franciser quelques noms propres pour qu’ils soient compréhensibles par le public.

Welles n’est pas un homme beau à la fin de sa vie, il est obèse, marche avec difficulté et souffle fréquemment mais il a la séduction de l’intelligence, le Génie, c’est cela qui faisait son charme extraordinaire.

6. On dirait que ce rôle de Welles est un étape importante dans votre vie et carrière, est-ce exact ?

Je suis si fier de cette pièce et de tout le travail des équipes que se pourrait être mon dernier Show sur scène. Je suis pleinement satisfait de cette aventure, je n’ai aucune rivalité avec Orson Welles, je suis à son service, son serviteur dévoué. Cette composition m’offre une liberté absolue, une grande inventivité d’acteur.

Je veux que rien ne soit totalement fixe, j’aime cette mise en danger.

Welles me guide, m’aide à sortir le meilleur de moi-même, sa figure me porte.

J’éprouve vraiment un sentiment heureux en faisant "Votre serviteur Orson Welles

"Votre serviteur Orson Welles", actuellement au Théâtre Marigny de Paris.

J'ai vu le spectacle à la couturière, je retournerais samedi après-midi le voir avec les petits vieux de la Mairie ( place gratuite) Dorothée Blanck


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