Peu de gens se souviennent du huitième film d'
Alain Resnais.
Et pourtant, il s'en est fallu de peu qu'il n'obtienne la plus haute
récompense au festival de Cannes... en mai 1968. Si une malédiction
n'avait plané au-dessus de
Je t'aime, je t'aime, cette romance fantastique aurait certainement été un très grand succès. Avant même sa sortie, ce long métrage, avec
Claude Rich et Olga Georges-Picot, avait été présenté en compétition au
Festival de Cannes. Sur la Croisette, le bouche à oreille était si unanime que d'aucuns murmuraient qu'il aurait la palme cette année-là.
Nous
étions en 1968... Les événements de mai se sont alors chargés de
balayer tous ces rêves de pellicule. Et le film de Resnais ne fut pas
projeté. Un gros rideau rouge tiré par Truffaut tomba sur l'écran,
entraînant à sa suite un long voile d'absence qui vint recouvrir ce long
métrage dont le scénariste écrivain était Jacques Sternberg.
Trente-cinq ans plus tard, en 2003, grâce à
Michel Ciment et à l'acharnement de la revue
Positif,
une copie neuve avait même été élaborée, et ce superbe film de nouveau
présenté au Festival de Cannes. Comme un juste retour des choses.
Quelques
années avant de mourir, l'écrivain Jacques Sternberg (1923-2006) avait
vu ressortir le film et avait accepté d'en parler. «Cela me fait un
immense plaisir de voir ce film sortir de l'ombre, expliquait-il.
Finalement, j'ai l'impression que
Je t'aime, je t'aime n'aura atteint son public que maintenant. Comme s'il avait voyagé dans le temps pour parvenir jusqu'à nous sans une ride.»
Que
raconte exactement cet étrange et poétique long métrage? Le synopsis
tient en quelques mots: des scientifiques viennent proposer à Claude
Ridder (Claude Rich), rescapé d'une tentative de suicide, de voyager
dans le temps. En véritable cobaye humain, il sera précipité un an en
arrière durant une minute. L'expérience commence. Mais bientôt, la
machine se détraque...
«Je me souviens parfaitement de ma première rencontre avec Resnais.»
«Je
me souviens parfaitement de ma première rencontre avec Resnais,
confiait alors Sternberg. J'étais alors journaliste au sein de la
mythique revue
Planète, sise au 114, avenue des Champs-Elysées.
Un jour de 1965, mon téléphone sonne. Je décroche, et j'entends la voix
de Resnais. «J'ai lu Un jour ouvrable et j'aimerais que nous nous
rencontrions.» J'ai répondu «Quand?», et il a dit: «Maintenant, si c'est
possible. Je suis à deux cents mètres de vos bureaux.» Nous avons
déjeuné dans le sous-sol désert d'un restaurant de la rue du Colisée
pour mieux pouvoir discuter. Après deux ans et demi de travail commun,
le synopsis définitif de Je t'aime, je t'aime voyait le jour.»
Si
le choix, ô combien judicieux, de Claude Rich revient exclusivement à
Resnais, en revanche, c'est Jacques Sternberg qui a découvert la jeune
Olga Georges-Picot, qui illumine le film de son charme étrange et
éthéré. «Resnais m'avait dit: «Si je prends une comédienne comme
Jeanne Moreau,
toutes les scènes avec Claude Rich ressembleront à un match de
ping-pong. Tout le monde dira: «Ah! quel jeu!» Il nous faut une
inconnue. C'est un jour, par hasard, en remontant la rue Saint-Benoît,
que je suis tombée sur elle, attablée à la terrasse d'une pizzeria. Elle
était très belle, décalée, marginale, avec une espèce de calme, de
neutralité énigmatique. Inutile de préciser qu'elle a été engagée
immédiatement.»
Quant au déconcertant titre du film, Sternberg le
justifie d'une phrase définitive: «Pour moi le premier Je t'aime sonne
comme un froid constat. C'est la répétition qui symbolise la passion,
l'infini, l'amour fou...»
merci d'avoir rédigé si vite.
Je reste pour ma part un attaché névrotique de Muriel. Rarement apprécié, je trouve.