mercredi, novembre 10, 2010

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2)*Un peu en contrebas de l’auberge, une rivière et un étang. Il y a du courant, je n’aurai qu’à me laisser porter par lui, car les bords font un coude et l’eau revient vers la maison. En allongeant mes bras pour la brasse, je sens mes paumes s’égratigner à la végétation des profondeurs. Ce sont de petits arbustes sans feuillage dont les brindilles empêchent le corps de s’immerger totalement. Alors je nage en surface, la peau effleurant à peine l’eau visqueuse et flagellante. La piscine, qui est plus loin sur la droite, n’a sûrement pas ces inconvénients et doit être à une bonne température, mais elle est très chère.
Ma mère passe le peigne dans la chevelure d’un jeune garçon. Sa tignasse est gluante de pommade anti-poux mélangée à des bestioles à moitié mortes.
« Regarde comme c’est efficace » dit ma mère, me passant le peigne enduit du tout dans mes cheveux. Je deviens folle furieuse.
« Espèce de conne ! Comment peut-on être aussi conne ? Je vais avoir les poux qui ont réchappé. »
Aussi sec, je sens à trois endroits de mon cuir chevelu les bêtes s’installer et me sucer le sang. L’une d’elles dégringole de la pointe d’une mèche sur mon dos. De rage impuissante, j’ai envie de frapper ma mère pour une si monumentale bêtise.
« Mais tu vas voir, chérie, comme c’est efficace. »
Elle met une potion dans une casserole sur le feu, avec du gros sel qui en fondant diluera la crème. Puis, de peur que ce ne soit trop liquide pour tenir sur le crâne, elle ajoute un reste de purée.

(93)*Je vais déjeuner au coin du boulevard du Montparnasse dans un bistrot bon marché et désert, avec une fille, me semble-t-il, ou en trio (deux filles et un garçon). La modicité des prix, en comparaison avec La Coupole, doit attirer la même clientèle d’artistes.
Eh oui! Vous venez à la fin du repas, nous longeons tous deux une rue parallèle derrière le boulevard. Je me concentre sur l’aspect des immeubles pour rester indifférente, que vous bifurquiez ou non vers ma chambre. Nous tournons à droite derrière la tour. Je regarde sur ma gauche. Il y a des appartements en réfection. L’un deux sera magnifique, avec ses grosses poutres apparentes. Il me conviendrait bien, surtout qu’il a l’air encastré dans une roulotte. En regardant le plancher, c’est celui de la coque d’un navire dans lequel on peut descendre vivre.
« Pouvez-vous dîner avec moi, demain soir ? » Je pense dans mon for intérieur, dîner seulement demain, pas ce soir, et de toute façon pas après-demain, à quoi bon ? Vous ajoutez:
« Si vous préférez ce soir, je dois traîner ce barda. Sinon je le dépose chez moi, et je vous vois demain. »
Des bâtons sortent de votre baluchon.
« Vous êtes allé faire du ski ?
- Oui !
- Seul ?
- Oui ! » dites-vous d’un air torve.
Je m’en veux d’avoir posé cette dernière question. Bien sûr, il n’y a aucune raison qu’il parte seul. Mais aussi, pourquoi ne pas m’avoir amenée au lieu de payer les mille francs du pari ? Je souffre que vous ayez préféré cela, j’ai envie de hurler, à quoi bon ?

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