jeudi, mai 03, 2007

A Benauge

J'imagine toujours gagner à la loterie alors que je ne joue pas. Un croisière ça c'est sur! Un grand studio vide avec des meubles à roulettes. Mais dans l'idéal, où ferait-il bon vivre? Il me suffit d'être invitée dans la campagne française pour avoir le coup de foudre. C'est une merveille quand les gens ont les moyens de leur bon goût. Un phrase entendue dans ma jeunesse, mon hôte me la balance aujourd'hui: Imbécile heureuse! J'ai une bouffée de douceur tendre. Un vrai plaisir que de suivre les ordres de ce vieil ami qui se veut ironique, cinglant: Maintenant tu débarrasses, tu fais la vaisselle, tu vas chercher l'échelle! J'obéis comme une enfant, contente d'apprendre. C'est un bonheur que d'éplucher les pommes de terre assise sur une pierre envahie de mousse à l'ombre d'un arbre en regardant les moutons, de dormir malgré le chahut que font les grenouilles en rut, de marcher sur les chemins en humant les odeurs de l'herbe mouillée par l'averse. De voir cet homme bricoler du grenier à la cave, et s'en y être invité, débarquer à n'importe quelle heure chez ses voisins et surtout chez un trésor de vieille dame, ( plus de quatre-vingt-dix ans) qui va le chercher à la gare et le ramène au train dans sa voiture. Il boit méthodiquement, soit le matin, soit le soir, mais se réserve une lucidité ricanante pour nous choquer où écrire. Je lui ai dit que si je gagnais à la loterie, je prendrais un chauffeur et lui, me commenterait tout le paysage de France. Sa curiosité n'a de cesse que d'éveiller la nôtre en pointant tous les détails, les noms des gens, des monuments, sur chaque parcours. Nous n'avons jamais été amants, aucun mensonge entre nous, si bien que nous faisons bon ménage, que je n'ai jamais connu un homme plus attentionné avec ses invités, il n'y a qu'en public qu'il s'amuse à bousculer. Il m'a plongée dans un livre de Singer Shoshoa Un jeune écrivain reste dans la Pologne de tous les dangers car il aime son amie d'enfance restée " demeurée". Dans une boutique de commerce équitable il voit un beau panama, le met sur ma tête, gardant son vieux sur lui. Le lendemain, invités à un déjeuner chez un ancien ambassadeur: Mets ton chapeau! Il veut que je fasse la belle chez ses amis. Je lui demande après quelques jours: " Il est à qui ce chapeau, à toi ou à moi? - Espèce de salope, c'est le mien, je me le suis acheté parce que les miens sont pourris, moisis! - Alors pourquoi as-tu dis à chaque fois, mets ton chapeau?"
Je laissé celui-ci sur la patère.
J'ai mis mon sac à dos sur la table pour le départ, il devait me raccompagner au train. Au moment de le prendre j'ai vu le chapeau posé dessus.
Pour ce séjour, j'avais pris le minimum: "Peux-tu me prêter un stee-shirt pour dormir? - Tu n'a qu'à prendre la chemise de nuit qui est dans l'armoire de ta chambre!"
Un vrai rêve cette chemise de nuit de grand-père en pilou, comme on n'en trouve plus dans aucun marché. Durant la nuit, comme je gigote beaucoup, je sentais le tissu craquer, chaque nuit un peu plus, je n'ai rien dit sur cette déchirure, la femme de ménage pourra imaginer que j'ai été violée.
J'ai mis le panama sur le siège à côté de moi dans le train, ainsi je prolongeais notre intimité en l'imaginant sous le chapeau. Il me faudra attendre mon tour pour revenir dans son hameau perdu en haut d'une colline sans communication, ni internet, ni portable, que les visites de courtoisie où chacun entre dans la maison de l'autre, rien n'est fermé, je n'ai jamais ressenti quelque chose de plus civilisé.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

tendre confession... sacrée nature humaine, tant de choses à decouvrir.
Chapeau bas pour votre parcours Dorothée.

Laurent.

Anonyme a dit…

Si on m'avait dit un jour que je séduirais une dame en lui faisant éplucher des patates…
En attendant Benauge te remercie

le roi du pilou

Anonyme a dit…

Je vous admire tous les deux.
Lui, parce que j'ai toujours admiré ce qu'il écrit.
Vous, madame, parce vous démontrez être une vraie amie de Walter.