samedi, avril 24, 2010

(78) La campagne est magnifique avec ses immenses prairies. D’un coup, de l’horizon, d’énormes vagues déferlent sur nous en lignes droites. Nous nous réfugions dans la maison à l’étage supérieur. Ghislain est encore dans le pré. Je veux l’appeler par la fenêtre, lui dire de se dépêcher, qu’il y a danger. Mais plus personne ne répond, l’eau a déjà immergé tout le terrain jusqu’à hauteur des fenêtres.
Nous sommes tous dans la chambre de Lorette après son opération. Elle ne bouge plus. Quelqu’un dit:
« C’est mieux qu’elle soit morte.
-Moi, morte ? » La voilà qui remue comme trente-six diables. Tout a gonflé en elle. Ses tissus ne sont qu’eau. Elle hurle sa souffrance en se débattant. Je la fais parler pour la calmer, tout en la retenant afin qu’elle ne tombe pas de sa couche. En la déposant sur le dos je m’aperçois qu’elle baigne dans l’eau, je me demande si son nez va dépasser pour respirer. Ce liquide aqueux est là pour limiter les chocs de son pauvre corps rétréci à la dimension de celui d’un enfant, bien que gonflé telle une outre. L’intervention n’a pas dû réussir. Il doit y avoir un problème d’allergie. Ma main est aussi glacée que sa peau, je ne sais comment la réconforter. A chacun de ses cris, de ses soubresauts violents, je me dis: « Si ça pouvait être la fin, si elle pouvait mourir maintenant. » Daphné la met debout sur les draps, et comme si de rien n’était, elle la fait marcher tel un nourrisson, la maintenant sous les aisselles. A notre étonnement il n’y a aucune nouvelle trace de cicatrice sur son moignon. Le chirurgien aurait-il renoncé à lui couper le bout de cuisse qui lui reste ? Daphné berce sa mère dans ses bras et l’embrasse sur tout le corps, en particulier sur les fesses et les chairs tuméfiées.7

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