Nous étions en Bretagne Jean-Claude Drouot, sa femme Claire, Gilles Durieux et moi. Des chasseurs nous ont donné deux renardeaux dont ils venaient de tuer la mère. Je ne savais pas trop comment j'allais élever le mien, sûrement pas comme un lapin en appartement. Durant le trajet de retour, l'un des bébés a trépassé:"C'est le tien qui est mort! me dit Jean-Claude, j'amène le mien à la campagne!"
Nous y allons quelques fois, dans la propriété de ses beaux parents. Les hommes étaient béats devant la Bardot en herbe qu'était leur petite fille, et moi, j'essayais d'apercevoir le renardeau. On racontait que c'est la chatte qui le nourrissait parmi sa portée. Elle était exangue la pauvre mère, les tétines arrachées par le petit glouton. Mais lui, on ne le voyait pas, il se cachait dans un terrier sous le poulaillier. Un jour, Jean-Claude s'armat d'une fourchette avec au bout un morceau de viande. Nous avons entendu un rugissement, et la bête qui s'est révêlée à elle même, sauvage. Il fallait se lever à l'aube pour l'apercevoir traverser le jardin après la chasse, et regagner son terrier. Semaine après semaine, le poulaillier a été dévasté, il ne restait qu'une seule poule qui, grelottante de peur, toutes plumes hérrissées jour et nuit, s'agrippait au petit toit au dessus de la cuisine. Son écuelle restait là, on ne pouvait pas la faire descendre. Nous avions pitié, mais le médecin était contre l'euthanasie, il fallut attendre que le renard trouva moyen de la manger ce qui pris des semaines d'horreur.Il fut lui même victime de chasseurs car bien que guettant l'aube, jamais on ne le revit.