jeudi, mars 17, 2005

Mairie du 3ème Temps Libre Luis Mariano

Une retraitée, Yolande, dite Yoyo par les bambins d'une école maternelle à qui elle apportait des jouets en celluloïde, c'était les invendus de l'usine de baigneurs où elle travaillait, nous fait la surprise de ce jeudi. Elle chante du Jacques Brel avec une belle voix émouvante, un timbre presque qu'à l'Edith Piaf.
"Pourquoi vous n'avez pas fait profession de chanter?
- On a voulu me présenter à Maurice Chevalier, mais mon père a refusé, disant que c'était un métier de putain! Vous savez, à l'époque on avait le respect des parents, on obéissait!"

Nous voici revenu au temps de la culture populaire, l'opérette des familles, années cinquante. Je trouvais Luis Mariano kitch, il l'est, mais son talent de chanteur d'opéra était réel, et celui de tous ses comparses bons enfants aussi: Darry cool, Pierre Richard, Moréno. Et les femmes avaient du sein, de la hanche, et des fesses, et un regard énamouré. En cinquante ans leur physiologie s'est androgynisée.
Pendant que Luis Mariano triomphait à la Gaité-Lyrique, je dansais parmi le corps de ballet, la valse dans les bras du Prince Danilo, Marcel Merkès, au Mogador: Heure exquise qui nous grise lentement! La caresse, la promesse, du moment! L'innéfable étreinte de nos désirs fous! Rudy, prends bien garde à toi! Le gazon glisse et l'heure est douce, et la brebis vous dis, je t'aime loup! On ne pouvait tomber en pamoison, sa femme, Paulette Merval, était sa partenaire sur scène.
Nous avions une habilleuse très revêche que l'on surnommait La Joconde. Quand elle demandait:
"Qui c'est celle là?
- Vous n'êtes jamais allé au Louvre?
- Si vous croyez que j'ai le temps de faire les grands magasins!"
Et comme elle portait souvent des pantalons:
" Bonjour Georges Sand!
- Qui c'est ç'ui là?
Bref, dans la salle, le public réagit vivement à chaque gag, à chaque baiser porté sur le dessus des lèvres, à l'époque, les acteurs trichaient. Vive l'opérette des familles. C'est par cars entiers que nous voyions la province débarquer, il n'y avait pas la télé, ce qui fait que le succès d'une opérette durait deux ans à Paris.